SCÈNE 1
Elzéar, Florine, le père, la mère, Eugène,
acolyte 1, acolyte 2
ChÅ“ur d’une cathédrale. Florine est sur scène, dos au public. Elzéar entre en courant côté jardin.
ELZEAR, paniqué – Florine ! Aide-moi !
FLORINE Je suis fille de maître verrier. Je n’ai pas de fleuret pour vous défendre !
Elzéar veut s’enfuir mais Eugène et ses acolytes gardent l’entrée côté jardin, et ses parents l’entrée côté cour. Il retourne se cacher derrière Florine.
FLORINE Sortez donc !
ELZEAR Ah ! Que je sois foudroyé si aucun ne recule !
FLORINE Mais qui sont ces gens que vous avez mis dans une telle colère ?
Eugène s’avance, menaçant.
ELZEAR Lui, c’est Eugène gros bras…
EUGENE Grrr…
ELZEAR Euh Grobois ! Eugène Grobois, mon cher camarade !
EUGENE Je t’ai pris à tricher ! Tu n’as jamais gagné une seule partie, avoue-le !
ACOLYTE 1 Il avait l’as dans la manche.
ELZEAR Vous vous êtes trompés !
ACOLYTE 2 Je l’ai vu de mes propres yeux.
EUGENE Tu nous traites de menteurs ?
ELZEAR Je dis simplement que…
ACOLYTE 1 Il va essayer de nous duper.
ACOLYTE 2 Comme toujours !
ACOLYTE 1 Ou alors il va faire une pirouette et nous filer entre les doigts.
EUGENE Pas cette fois. Vous deux ! Allez garder les portes !
Les deux acolytes sortent côté jardin.
SCÈNE 2
Elzéar, Florine, le père, la mère, Eugène
Florine regarde le père d’Elzéar.
FLORINE Et cet homme, qui est-ce ?
Elzéar se tient face à son père.
ELZEAR C’est le chevalier Léon de Boissac, dit le Preux. J’ai le privilège – aujourd’hui l’infortune – de le nommer « père ». Brièvement. Et voici ma mère. La mère pleurniche.

PERE, nerveux
Tu étais prévenu, Elzéar ! Je suis fatigué des plaintes qui me parviennent. La ville est sens-dessus-dessous, chaque fois que tu t’y rends.
ELZEAR Pure malchance !
PERE Non, Monsieur ! C’est un manque d’éducation, une méprisable erreur qu’il nous faut corriger sur l’heure.
MERE, pleurnichant
Oh, mon petit ! Ne soyez pas trop dur avec lui.
PERE Vous entendez tout ce bruit ? Les cadets sont là . Vous ne deviez les rejoindre que l’année prochaine, hélas ! Le temps ne joue plus en votre faveur.
MERE, pleurnichant
Oh, mon petit ! Il est si jeune et si fragile…
PERE Il suffit, Madame ! Si vous ne le couviez pas tant, votre petit serait déjà un homme.
MERE, pleurnichant
C’est un grand garçon. Il se cherche, c’est tout.
PERE, à Elzéar
Les recruteurs se tiennent à l’auberge. Vous irez les retrouver et prendrez votre leçon, à moins que vous ne préfériez discuter avec Eugène Grobois ?
EUGENE Oh oui, allons discuter derrière la cathédrale !
Le père, la mère et Eugène sortent côté jardin.
SCENE 3
Elzéar, Florine
Elzéar fait les cent pas.
FLORINE Belle pagaille !
ELZEAR Tu les as vus ! Tu as entendu mon père ! Il veut m’envoyer chez les cadets !
FLORINE Acceptez !
ELZEAR Pff ! Tu me vois, moi, croiser le fer avec eux ?
FLORINE Vous avez peur ?
ELZEAR Bien sûr que non !
FLORINE Si, vous avez peur.
ELZEAR Leur réputation les précède…
FLORINE La vôtre aussi. Vous n’aspirez à rien d’autre que de mentir, tricher et fuir ? C’est triste.
ELZEAR Triste ?
FLORINE Oui, c’est triste. Vous êtes appelé à une grande mission mais votre manque d’idéal vous en éloigne.
ELZEAR Quelle mission ?
FLORINE Servir et protéger.
ELZEAR Pff ! Ce sont des fables ! Je ne suis pas capable de telles prouesses, regarde-moi !
FLORINE Je vous regarde Elzéar. Votre âme n’est pas si vilaine, mais vous ne croyez pas.
ELZEAR Et tu penses que ça peut changer ?
FLORINE Absolument, et vous aussi ! Sinon vous ne resteriez pas là à m’écouter.
ELZEAR Que dois-je faire ?
FLORINE Allez voir les recruteurs : pas pour vous échapper mais pour vous engager.
Ils sortent côté jardin.